[De la fibre à la maille] Les animaux et leur fibre

Il y a près d’un an, je cherchais des fermes au Canada qu’il me plairait de visiter. Pour voir d’où venait la laine, comment ça se fabriquait. Rapidement, je suis tombée sur la ferme Le Moment Présent et tout m’y a plu : les pratiques artisanales, la volonté de partager le travail par la ferme pédagogique, les différents animaux élevés… Ni une, ni deux, je mettais le site en favoris en espérant que ma visite virtuelle devienne réalité… C’est aujourd’hui chose faite ! Découvrez dans cet article les différents animaux de la ferme Le Moment Présent.

 

La ferme Le Moment Présent est le lieu de vie de différents animaux. Un couple de canards se balade librement dehors depuis qu’il recommence à faire beau. La chatte montre le bout de ses moustaches et vient demander quelques attentions. Les cochons roupillent ou se grattent entre deux repas. Les chiens protègent les enclos des animaux non autorisés…

Ceux que je suis venu voir, ce sont les animaux qui donnent de quoi faire la principale activité de Céline. Ils portent sur leur dos la fibre qu’elle transformera en laine puis en objet. Et il ne s’agira pas d’une seule espèce mais de trois ! Je vais donc vous faire découvrir différents poils, ceux des lapins angoras, des moutons Shetland et, aussi, des alpagas ! Ils ont chacun un petit nom et vivent librement entre l’intérieur de la grange et l’extérieur. Les différentes prairies permettent un renouvellement de la nourriture ce qui leur apporte toutes les vitamines dont ils ont besoin en complément du foin.

>> Notez que je n’ai pas pu observer la tonte des animaux car le froid était encore bien présent au moment de ma visite. Désormais, les animaux sont bien tondus et visibles sur la page Facebook de la ferme, en lien plus bas.

Passons aux présentations…

 

Les lapins angoras

Avez-vous déjà touché un lapin angora ? Si oui, vous savez à quel point le poil de cet animal est doux. La ferme Le Moment Présent a 2 lapins angoras adultes et, depuis peu, quelques petits.

Les plus jeunes restent au chaud avec leur maman dans la paille de leur petit enclos.

Les lapins angoras donnent une fibre très très fine, c’est ce qui la rend si douce et si aérienne. L’appellation angora ne désigne pas une race de lapin mais son type de poil, ainsi on trouve également des chèvres angoras ou des chats :

Les animaux dits angoras ont un poil qui pousse plus vite et plus longtemps (côté lapins : de 3 à 5 mois selon les races), c’est ce qui fait qu’il devient particulièrement long. Cette longueur aura son importance au moment du filage de la fibre. Plus le poil est long, plus il est facile à filer.

Les lapins sont tondus tous les 90 à 100 jours. Cela est important pour leur santé m’explique Céline, leur poil est si long qu’il s’emmêle facilement et les lapins encourent certains risquent. Notamment, les poils peuvent s’emmêler au niveau des parties génitales et ces dernières finir prisonnières à tout jamais !

Le poil du lapin est si fin qu’il n’a pas besoin de passer autant d’étapes de transformation que celui de l’alpaga ou du mouton. Céline ne le lave pas et ne le pique pas (qu’est-ce que le piquage ? nous le verrons dans le prochain article).

N’ayant pas beaucoup de lapins, Céline utilise leur fibre en mélange avec l’alpaga. Cela ajoute encore plus de douceur à la texture.

 

Les moutons Shetland

Il y a beaucoup de races ovines utilisées pour la production de laine. Pour ma part j’en connaissais deux, probablement les plus connues : les shetlands et les mérinos. Ça tombe bien, ce sont les deux races que j’ai pu voir chez Céline. Elle possède 20 femelles shetland et, depuis quelques semaines, 20 petits. Côté mérino, c’est simplement un bélier qu’on trouve dans la prairie. Nous nous concentrerons donc sur les Shetland.

Lors de ma visite, beaucoup des naissances avaient eu lieu. Et j’ai pu voir les 3 derniers nés. Nous leur avons donné le biberon ! Malgré leur petite taille, ceux-ci ne manquent pas de force lorsqu’il s’agit de téter. Cela m’a rappelé ma visite à la ferme de Lucille 🙂 (le lien en fin d’article)

 

Le mouton shetland est une race qui vient d’Écosse.

Elle est connue dans le monde du tricot pour deux raisons : d’abord, ce mouton donne une fibre très fine, donc très douce. De plus, l’histoire de leur élevage a marqué le monde du tricot à jamais. En effet, le nom Shetland vient du nom que porte un archipel écossais. Dans cet archipel, on trouve une île nommée Fair Isle. Sur cette île, on élevait ce mouton, on transformait la laine et surtout, on la tricotait. C’était le gros du commerce de l’île et de ce fait a été développée de façon très approfondie et rentable la technique du jacquard qu’on appelle d’ailleurs généralement la technique Fair Isle.

Au-delà de tout ça, Céline et Philippe ont choisi cette race pour une autre raison. « L’animal n’est pas très grand, c’est plus facile de s’en occuper, de le déplacer. Et puis, je ne voulais pas un animal avec des cornes dangereuses. La brebis n’en a pas et le bélier en a qui pousse bien en arrière de la tête ».

Ce mouton se tond une fois par an, dès que les nuits retrouvent des températures positives. Ils donnent de 1 à 2 kg de laine environ.

Le mouton a cette spécificité de produire de la lanoline que l’on retrouve sur son poil. Cette sécrétion a des vertus très hydratantes et protectrices (on l’utilise dans des produits de soin) mais cela implique que la fibre nécessitera plusieurs lavages au moment de la transformation pour éviter que la laine ne soit trop grasse.

 

Les alpagas

C’était ceux que j’attendais le plus, je n’en avais jamais vu de mes yeux auparavant.  Si vous avez bien suivi, j’ai tricoté ma première laine alpaga pour l’écharpe cadeau au mois de mars (ici). Ça avait été un vrai plaisir car la laine est très douce. Rencontrer les animaux qui possèdent une telle toison, c’était un peu boucler la boucle de ce bon moment de tricot.

Céline et son compagnon possèdent 60 alpagas, c’est donc l’espèce la plus importante de leur élevage.

Pour m’en approcher, je dois d’abord passer le contrôle. Je suis accueillie par Maggie, une femelle lama qui vit avec les femelles alpagas.

Elle n’est pas là pour son poil (la laine de lama ça se fait mais ce n’est pas des plus soyeux). Maggie, c’est un peu le vigile de l’enclos. Elle vous renifle à votre arrivée pendant une dizaine de secondes et indique si vous pouvez continuer la visite : « c’est arrivé seulement une ou deux fois qu’elle ne veuille pas que quelqu’un entre. Mais toi c’est bon, elle t’a acceptée ! ».

D’un côté, nous avons les femelles et de l’autre les mâles. Cette séparation est nécessaire pour contrôler les naissances car les alpagas n’ont pas tellement de saison de reproduction contrairement aux moutons. D’ailleurs, pour Noël, la ferme Le Moment Présent a accueilli un petit cria (le nom des bébés alpagas). Pourtant à la ferme, on fait plutôt en sorte que les naissances aient lieu en été : « j’avais mal refermé un enclos une fois… ils ont eu le temps de nous faire un petit » m’explique Céline.

Au moment de ma visite, certaines femelles ne sont pas encore fécondées. C’est pourquoi on peut voir alors les mâles les suivre du regard derrière la clôture.

L’alpaga n’est pas de la famille des bovidés comme le mouton mais des camélidés, comme le chameau. Si j’ai bien compris la différence entre les deux, cela tient surtout à leur estomac. Les camélidés regroupent des animaux qui vivent dans des régions où la nourriture est particulièrement sèche, leur digestion est adaptée à ce type de nourriture tandis que les ruminants (moutons et autres) ont une nourriture plus variée.

Autre spécificité, comme leur nourriture est plus sèche dans leur habitat d’origine, la Cordière des Andes, leurs dents s’abîment naturellement. Ce n’est pas un souci car celles-ci continuent de pousser même à l’âge adulte, tout comme le castor. Au Québec, la nourriture est plus tendre, il faut alors veiller à limer leurs dents tous les ans.

J’ai trouvé que les alpagas étaient vraiment des animaux calmes et attentifs. Quand ils te regardent, ils ont l’air beaucoup plus présents que les moutons. J’ai noté aussi leur toison très impressionnante, ils semblent tout moelleux.

Leur poil est plus fin que celui des Shetland, ce qui le rend encore plus doux. La fibre des crias (les bébés alpagas) peut aussi être collectée. Elle coûte plus cher pour deux raisons, la laine est plus fine donc plus douce et elle accroche aussi plus facilement les petits morceaux de paille ou de foin et s’emmêle : cela est long à nettoyer.

Quant à la différence mâle ou femelle, la fibre est la même à la base. Mais comme les femelles offrent beaucoup de leurs vitamines et de leur énergie au moment de la gestation, cela finit par avoir un effet sur leurs poils. Ils perdent de leur qualité. Céline choisit donc de ne faire faire des petits à chaque femelle qu’une année sur deux afin qu’elle reprenne un peu d’énergie. La laine maintient alors sa qualité.

Il n’est pas rare de trouver des alpagas au Canada. D’ailleurs, Céline et Philippe n’ont pas eu besoin de faire venir les leurs depuis l’Amérique du Sud. Ils les ont achetés à deux autres fermes du Canada dont la majorité vient d’une ferme tout près de Toronto.

Difficile de ne pas tomber en amour avec les alpagas de la ferme Le Moment Présent. Si l’expérience vous tente, n’oubliez pas que la ferme est ouverte aux visites car il s’agit d’une ferme éducative et vous pourrez y faire également des ateliers. (Le lien vers le site est en fin d’article pour plus de détails et les rendez-vous atelier)

Voilà, nous avons fait le tour des animaux et découvert un peu plus sur les différents poils de la ferme Le Moment Présent. Dans le prochain article, vous pourrez découvrir le mystérieux procédé de transformation de la fibre que Céline a eu la gentillesse de me montrer mais aussi de me faire pratiquer.

 

Pour aller plus loin

• Lire la partie 1 : la présentation de la ferme et la partie 3 du reportage (à venir)
• Le site de la ferme Le Moment Présent, pour découvrir l’univers de Céline et sa famille et la page Facebook pour suivre son actualité
• Les reportages à la ferme de Lucille pour découvrir l’agnelage et la traite : Partie 1, 2 et 3

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