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[De la fibre à la maille] La transformation de la fibre

Il y a près d’un an, je cherchais des fermes au Canada qu’il me plairait de visiter. Pour voir d’où venait la laine, comment ça se fabriquait. Rapidement, je suis tombée sur la ferme Le Moment Présent et tout m’y a plu : les pratiques artisanales, la volonté de partager le travail par la ferme pédagogique, les différents animaux élevés… Ni une, ni deux, je mettais le site en favoris en espérant que ma visite virtuelle devienne réalité… C’est aujourd’hui chose faite ! Découvrez dans cet article la transformation de la fibre.

 

La transformation artisanale est un procédé qui demande du temps et de l’attention. Céline pratique cette activité tout au long de l’année et, lors de ma visite, nous avons fait les différentes étapes ensembles.

Avant cette journée, j’ignorais parfaitement comment il était possible de passer d’un poil d’animal à une pelote de laine.

Des années de savoir-faire ont abouti à un processus qui apparait finalement aujourd’hui évident, une fois qu’on l’a vu faire. C’est ce que nous découvrons aujourd’hui avec de l’alpaga et la transformation de son poil en 6 étapes principales.

>> Notez que je ne parlerai pas ici de la teinture qui est un procédé qui méritera bien un article à part entière tant il est riche de connaissances et de savoir-faire.

 

1/6 Tondre

>> Je l’ai dit dans l’article précédent, je n’ai pas pu voir la tonte car les températures étaient encore trop fraiches lors de ma visite. Ceci étant, Céline m’a tout de même expliqué comment elle fonctionnait et les photos de ce moment sont disponibles sur la page Facebook de la ferme.

L’alpaga est assez grand notamment du fait de son cou, il est plus aisé de le basculer sur une table. Ainsi, on lui attache les pattes avant puis les pattes arrière à la table alors qu’il est encore debout. La table bascule ce qui le couche sur le côté. C’est ainsi qu’on va le tondre.

C’est Philippe, le conjoint de Céline, qui tond les alpagas. Cela prend environ une heure par animal.

La plus belle qualité de laine se trouve sur la couverte, le dessus de l’animal. Elle sera distinguée des autres parties. Chacun d’entre eux voit sa fibre rangée dans des sacs différents pour pouvoir les distinguer : « Il y a des personnes qui m’achètent de la laine et quand ils sont contents, l’année d’après ça arrive qu’ils me disent ‘j’ai tricoté la laine de Skyler, tu pourras m’en mettre de côté cette année ?’. Et puis, ça fait plaisir quand tu as vu un animal, tu t’es pris en photo avec et après tu peux acheter sa laine. C’est plus personnel. ».

 

2/6 Dépailler

Une fois notre animal mis à nu, on se place au-dessus de la table de dépaillage avec notre sac de poils. C’est la première étape de nettoyage. Tout se fait à la main ici.

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Céline vient de déposer sur la table les poils que nous allons dépailler

Cette étape permet deux contrôles. D’abord, la propreté. Nous allons enlever le maximum de bouts de paille ou de foin coincés dans les poils. On procède petit à petit, d’abord on secoue un petit paquet pour faire tomber la poussière puis on part en quête des brins d’herbe. Pour cela, la table est recouverte d’un grillage au travers duquel on peut laisser tomber ce qu’on ne veut pas dans notre fibre.

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Les petits bouts de paille pris dans le fin poil

Ensuite, le grillage permet de contrôler la longueur des fibres, un carré correspond à 1 pouce (2,5cm). Un poil trop court risque de compromettre les futures étapes de transformation notamment le cardage et le filage. Le minimum est de 3 pouces (7,6cm). Céline peut ainsi noter la longueur moyenne de la fibre de l’animal qui aura été tondu.

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On conserve la mesure dans un carnet pour les comparer d’une année sur l’autre

Il faut être patient et attentif pour cette étape. Ceci étant, il ne s’agit pas d’enlever 100% des impuretés. Le dépaillage va se poursuivre encore tout au long de la transformation.

 

3/6 Laver

Il est temps de faire prendre un bain à notre fibre dépaillée !

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On enferme le tout dans un sac pour le lavage

Cette étape est particulièrement délicate car la fibre au contact de l’eau et du savon risque de feutrer si on la remue trop.

Céline utilise une vieille laveuse. Elles ont une cuve qui s’ouvre par le haut ce qui permet de faire tremper la fibre.

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Nous utilisons ici des petits sacs dont on se sert habituellement pour laver le linge délicat. Ils vont éviter que la laine ne se mélange car nous allons laver les poils de 3 animaux différents. Mais surtout, les sacs feront qu’il y aura moins de mouvements entre les fibres ce qui ne les fera pas feutrer.

Avec l’expérience, Céline n’utilise plus les sacs car elle sait comment manipuler sa fibre dans l’eau. Pour les débutants, mieux vaut être prudent si on ne veut pas la gâcher !

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Le lavage se fait sur un procédé assez classique. On met de l’eau très chaude avec un peu de lessive et on laisse tremper. Je pensais que l’eau très chaude pouvait justement feutrer la laine mais en réalité, c’est surtout le frottage qui produit cet effet. Ça et la variation de température trop brutale une fois la fibre mouillée. Donc si on part sur du très chaud tout de suite, pas de problème.

Une fois cela fait, nous allons essorer nos sacs. Là encore, je me suis interrogée sur le risque de feutrage au moment de l’essorage. Aucun problème ! Grâce aux anciennes laveuses, l’essoreuse, dans un compartiment à part, s’ouvre aussi par le dessus et va fonctionner par la force centrifuge. Les fibres ne bougent pas, elles sont plaquées sur les parois extérieures et l’eau en sort. Pas de frottage = pas de feutrage !

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Après l’essorage, nous rinçons la fibre. Retour dans la première cuve. Maintenant, nous allons mettre de l’eau un peu plus tiède qu’au départ car, la laine est encore mouillée du bain de lavage et celui-ci a refroidi le temps du trempage et de l’essorage. On l’a dit, la variation de température fait feutrer.

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On essore.

Pour l’alpaga, un seul lavage peut suffire. Par contre pour le mouton, Céline peut faire jusqu’à 3 bains. On l’a vu dans l’article précédent, les moutons produisent de la lanoline, une substance grasse qui protège le poil et la peau des moutons. Il faut plusieurs bains avant de l’éliminer suffisamment pour avoir une jolie fibre.

Une fois le résultat satisfaisant, nous allons faire sécher notre fibre sur des cagettes en extérieur, à l’abri du vent.

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On va décoller les fibres humides délicatement les unes des autres pour qu’elles puissent sécher correctement.

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A cette occasion, nous gardons un œil sur les petits bouts de paille qui pourraient rester. Et les éliminer le cas échéant.

Nous laissons sécher tout ça, avant de passer à la prochaine étape…

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4/6 Piquer

Notre laine est propre et sèche, nous allons maintenant la transformer. D’une certaine manière, le piquage correspond à un démêlage des fibres. Pour cela on utilise un outil appelé la piqueuse, tout simplement :

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Celle-ci est toute spéciale car c’est Philippe, le compagnon de Céline qui l’a fabriquée. Le petit plus ? L’ouverture sur la droite qui permet à la laine de tomber directement dans le sac placé à cet effet.

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On pose la laine propre sur la gauche. De là, on fait glisser la partie mobile de la piqueuse en la faisant glisser de gauche à droite et de droite à gauche. Les clous de cette partie vont accrocher la laine qu’on aura placée. En effectuant le mouvement de glissage, on amène la fibre à s’accrocher dans les clous de la partie non mobile.

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Ainsi, la fibre s’étire entre les clous et se démêle délicatement.

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On retrouve de la poussière et des petits bouts de paille entre nos clous. En effet, pendant le piquage, les impuretés tombent de la fibre.

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On répète le geste jusqu’à ce que la fibre soit passée complètement à droite. Le résultat doit être bien aéré.

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Si ce n’est pas le cas, on repasse dans la piqueuse. Sinon, la fibre est prête à être cardée !

 

5/6 Carder

Nous avons toujours un sac rempli de petites touffes de poils. Maintenant, il va falloir carder tout ça. Qu’est-ce que cela signifie ? Et bien c’est une façon de peigner les fibres pour qu’elles se retrouvent bien étendues et bien parallèles. Cela donnera la base de ce qui sera filé ou feutré ensuite.

Il existe plusieurs façons de carder la laine : avec des cardes à main ou une cardeuse à rouleau. Avec Céline, nous avons utilisé les cardeuses à rouleaux. L’une manuelle, l’autre électrique.

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La cardeuse manuelle…
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… et l’électrique

Pour procéder, il faut placer notre fibre piquée devant le premier petit rouleau.

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Lorsqu’on tourne la manivelle la fibre va être attrapée par le premier petit rouleau par les petits pics qui le composent.

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Et le deuxième rouleau, plus gros et aussi composé de pics, attrape la fibre du premier rouleau. Elle se « range » ainsi sur le plus gros et à force d’ajouter notre laine piquée, il se remplit avec les fibres bien parallèles les unes aux autres. La brosse sur le dessus va les placer et les aligner.

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Pour la récupérer, c’est simple. On vient placer une aiguille appelée pique dans la rainure du gros rouleau. On soulève petit à petit en avançant pour séparer la fibre sans la casser.

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Ensuite, on enroule le tout sur lui-même en décollant délicatement du rouleau la nappe de fibre que l’on vient de créer.

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Il se peut que le résultat ne soit pas assez satisfaisant. Il est alors tout à fait possible de carder une nouvelle fois la fibre.

Avec la cardeuse électrique, vous vous en doutez, le travail est plus rapide et plus efficace. Mais ce n’est pas le seul avantage. Pendant que la mécanique fait tourner les rouleaux, on peut s’amuser à ajouter des couleurs avec d’autres fibres avec plus d’aisance.

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On place la fibre colorée devant le petit rouleau ou avant la brosse et on laisse les couleurs s’ajouter à la nappe.

 

Céline apprécie de travailler ainsi. Pour elle, c’est le moment où elle commence à créer, à laisser parler son imagination, à se laisser tenter par les couleurs.

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Je me suis laissée tenter moi aussi et j’ai pu ajouter un peu de soie et d’acrylique verte lumineuse à ma fibre d’alpaga. Il faut être délicat, le rouleau mange vite les couleurs qu’on vient lui mettre sous le nez.

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Ma première nappe : j’ai voulu y aller tranquille sur les couleurs

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Au final, le résultat me plait beaucoup. On y lit toutes les étapes manuelles qu’on vient de franchir pour en arriver là. Maintenant, il ne nous reste plus qu’à décider de ce qu’on va faire de cette fibre transformée…

 

6/6 Feutrer ou filer !

Céline est spécialisée dans le feutrage. Il peut s’effectuer avec de l’eau et du savon, ou alors à l’aiguille. Ce sont deux techniques différentes.

A l’occasion de notre rencontre, Céline m’a appris à feutrer à l’aiguille. Je me réserve de vous dévoiler le processus. Je prévois un article pour présenter brièvement la technique du feutrage à l’aiguille avec un objet que j’aurai réalisé. Vous pouvez sinon découvrir les produits de Céline sur son site Internet ou directement dans sa boutique à la ferme :

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Je suis plutôt une tricoteuse et je me suis dit que je serais certainement très heureuse d’aller jusqu’au bout du processus de la transformation de la laine si j’allais jusqu’à la filer, puis la tricoter.

Il y a deux outils pour filer la fibre. Le rouet :

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Ceci est un rouet – Source : Wikipédia, Photographie de 1900, anonyme

Comme voyager avec un rouet n’est pas des plus pratiques, j’ai opté pour le fuseau.

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Je l’ai acheté à Céline, elle en vend dans sa boutique, son amie Geneviève Routhier les fabrique.

Il était temps de clore notre rencontre car le devoir de maman appelait Céline, Félix allait finir l’école.

Du coup, j’ai fait mes premiers pas de filage toute seule. Comme pour apprendre le tricot, j’ai utilisé Internet.

« C’est comme ça que j’ai appris donc tu pourras y arriver » m’a confié Céline.

Petit à petit, la longueur se forme. C’est bien sûr très irrégulier mais quand j’aurais terminé de filer la nappe, certainement que j’aurai amélioré un peu ma technique.

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Et dans quelques temps, qui sait, nous verrons peut-être ici une réalisation au tricot en alpaga et acrylique lumineuse !

 

C’est terminé !

La transformation est terminée. Rien ne vaut de voir et de pratiquer pour bien comprendre un travail artisanal. J’espère avoir fait passer un peu de ce savoir-faire au travers de mes lignes et que cela sonnera comme une invitation à rencontrer les artisans de la fibre pour mieux connaitre et apprécier leur travail.

 

C’est avec une profonde sympathie que Céline m’a accueillie et fait découvrir un travail qu’elle aime et, de toute évidence, qu’elle aime aussi partager.
Pour cela, je la remercie beaucoup de m’avoir offert une si belle journée ainsi que sa petite famille qui a accepté ma présence dans leur vie.
>> Merci pour la visite, pour les explications, pour tes réponses, pour ta générosité, pour la rencontre à la guilde et au souk d’Ottawa, les souvenirs et tout ce que je ne nomme pas 🙂

Pour aller plus loin

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2 réflexions sur “[De la fibre à la maille] La transformation de la fibre”

  1. très beau reportage, lucile. j’ai découvert un métier et ses différentes techniques. les photos d’illustration sont belles et rendent le tout encore plus clair.

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